Résumé :
La gestion quantitative de l’eau en Europe est un des facteurs essentiels pour l’atteinte des objectifs environnementaux fixés dans la Directive Cadre sur l’Eau. La Commission Européenne a ainsi encouragé la mise en œuvre de débits environnementaux, et des investissements pour l’augmentation de l’efficience des réseaux d’eau potable et d’irrigation.
Toutefois, l’efficacité environnementale de la modernisation des réseaux fait débat aussi bien dans la littérature scientifique (Grafton et al., 2018) qu’au sein d’organismes publics qui l’encourage (Acteon & CE, 2012).
En effet, « l’économie d’eau » correspond à une redistribution des flux entre de multiples usagers et l’environnement, à l’échelle du bassin versant, et les impacts de la modernisation dépendent donc de nombreux facteurs (possibilité d’augmenter les surfaces irriguées et les rendements, réglementation des autorisations à prélever, etc.).
Si les aspects techniques du problème sont relativement bien connus, les enjeux politiques liés à la modernisation des réseaux d’irrigation ont été plus rarement explorés (Venot et al., 2017), en particulier dans le cas de la réallocation d’eau vers l’environnement (Marshall & Alexandra, 2016).
Le bassin de la Durance, dans le Sud-Est de la France, représente un cas d’étude idéal car les nombreuses infrastructures rendent particulièrement visible la dimension politique des projets d’économie d’eau, liée à la réallocation des ressources. Cela a donné lieu à la création d’instruments de politique publique spécifiques, et s’intègre dans une trajectoire longue de plus de 50 ans.
En nous appuyant sur la sociologie de l’action publique et la political ecology, nous analysons les paradigmes des politiques d’économie et réallocation d’eau dans le temps long, leurs territorialisations et leurs effets dans le bassin de la Durance.
Dans notre présentation, nous nous intéresserons à l’un des instruments centraux de cette politique : un ‘Compte Epargne Volume’ visant la réallocation d’eau vers les milieux naturels duranciens. Nous montrerons que cet outil de quantification des économies d’eau peut être analysé comme un arrangement institutionnel ambigu, ayant permis l’agrégation d’intérêts divers et le maintien d’une politique dont les effets restent controversés.