Le 28 novembre à 10h00 à l'INAT (Institut National Agronomique de Tunisie) à Tunis, Hamza JERBI a soutenu sa thèse de doctorat intiulée "Evolution des processus hydrologiques autour de l’oued Merguellil en Tunisie Centrale sous l’action humaine : caractérisation des formes d’évolution et quantification des flux ", sous la direction de Christian LEDUC (IRD) et Jamila TARHOUNI (INAT) avec un co-encadrement de Sylvain Massuel (IRD).

Sandrine Dhénain a soutenu sa thèse intitulée "Les territoires littoraux languedociens face aux changements globaux : trajectoires et politiques d’adaptation"

Le mardi 20 février 2018 à 9h30 à AgroParisTech - 648 rue Jean-François Breton - MONTPELLIER (34) en salle AMAZONE

 

devant le jury composé de :

  • Olivier BARRETEAU, IRSTEA Montpellier, Directeur de thèse
  • Pieter LEROY, Radboud University, Rapporteur
  • Mme Virginie DUVAT, Université de La Rochelle, Rapporteur
  • Mme Anne HONEGGER, ENS Lyon, examinatrice
  • Mme Laura MICHEL, Université de Montpellier, examinatrice
  • Ghislain DUBOIS, TEC Conseil, invité

 Mots clés : Adaptation, Changement climatique, Politiques publiques, gouvernance

RESUME

Avec la montée en force des changements climatiques, une injonction à s’adapter est lancée par les instances internationales et nationales aux décideurs locaux, aux collectivités locales et aux acteurs des territoires. Le passage à l’action n’est pourtant pas aisé. Enjeu de politique publique, l’adaptation se présente comme un sujet très technique. Dans la littérature, elle a souvent été envisagée comme résiduelle, comme un état à atteindre. Son sens, ses arbitrages et ses dimensions politiques restent implicites. Cette thèse s’intéresse aux processus et aux trajectoires d’adaptation face aux changements globaux. Elle investigue plus particulièrement les politiques locales d’adaptation discutées et mises en œuvre sur les territoires littoraux héraultais et gardois. L’adaptation recouvre un répertoire d’actions multiples. Quatre logiques politiques ont été identifiées, correspondant à certains instruments d’action publique, traduisant un projet territorial spécifique, des ambitions de transformation ainsi que certaines modalités de régulation politique. Au niveau local, des cadrages propres aux territoires balisent la mise en discussion et la mise en politique. Ils sont en décalage avec les cadrages à d’autres échelles, notamment nationales. Des relations de pouvoir se jouent autour de cet enjeu de l’adaptation au changement climatique entre les territoires qui choisissent et ceux qui subissent. La territorialisation de l’adaptation s’inscrit dans les dynamiques de métropolisation. L’adaptation se décline par des actions non coordonnées entre elles et cela pose le problème d’absence d’arènes pour discuter de leur articulation. Combinant l’analyse de la résilience et des vulnérabilités avec la Political Ecology, la sociologie et la science politique, la thèse vise à mettre en exergue les dimensions sociales et politiques dans les processus d’adaptation. Pour ce faire, l'investigation porte plus spécifiquement sur les politiques locales en lien avec le changement climatique mais aussi l’aménagement du territoire, la gestion des risques et la gestion de l'eau mises en œuvre sur les territoires littoraux héraultais et gardois. La thèse propose une démarche interdisciplinaire à partir d’une approche empirique et inductive. Loin d’être une problématique uniquement technique, l’adaptation au changement climatique est plurielle et éminemment politique.

Zone de Haffouz Amon Bassin Versant Merguellil Tunisie Meriem JouiniDans les zones semi-arides, l'agriculture est basée sur des ressources "eau et sol" limitées et fragiles souvent surexploitées. L'évaluation environnementale dans ces zones est difficile due au manque de données. Notre zone d'étude est située à l'amont du bassin versant de Merguellil, situé en Tunisie centrale, un pays méditerranéen, caractérisé par un climat semi-aride avec une forte variabilité des précipitations et des taux d'évaporation élevés (Lacombe, 2008) et elle est considérée comme une importante zone de recharge des aquifères. Dans la région méditerranéenne, la dégradation des sols et les ressources en eau constituent un enjeu pour l'homme et l'environnement. L'agriculture en Méditerranée se caractérise par des exploitations de petite taille - un grand nombre de fermes ont moins de 10 hectares - et économiquement moins efficaces. L'amont du Merguellil réunit des enjeux environnementaux majeurs tels que des ressources variables et limitées, la surexploitation des ressources en eau, le faible contrôle de l'accès à l'eau et une dégradation accélérée des sols. Ces problèmes sont également rencontrés dans tout le bassin méditerranéen, le bassin Merguellil peut alors être considéré comme un cas exemplaire (Leduc et al., 2007). Cette zone présente également une faible disponibilité de données. A partir de 1990, ce bassin a fait l'objet de plusieurs travaux de conservation des eaux et des sols pour le protéger contre l'érosion et protéger la partie aval du bassin versant de Merguellil (la plaine du Kairouan). Le développement d’une agriculture irriguée de plus en plus intensive et l'expansion rapide des aménagements de conservation ont posé la question de leurs impacts environnementaux et particulièrement sur la qualité des sols.

Dans le cadre de la gestion des ressources communes "eau et sol" et de la prise en compte de la diversité des pratiques agricoles au sein d'un territoire agricole, il est important d'évaluer les impacts à l'échelle d'un territoire. Notre objectif principal est évaluer les impacts environnementaux des aménagements de conservation des eaux et des sols (CES) et des systèmes agricoles les plus pertinents par une ACV à l’échelle du territoire.

L’ACV est l'approche de  l'Analyse de Cycle de Vie, c'est une méthode normalisée à l'échelle internationale largement utilisée pour évaluer les impacts environnementaux potentiels d'un système par comptabilité de la consommation de ressources et les émissions dans des objectifs d’éco-conception ou pour optimiser des processus existants. Elle présente des caractéristiques d’approche globale (tous les impacts environnementaux sont considérés) et de cycle de vie (« du berceau à la tombe »).Le sol est une composante essentielle de l'écosystème non seulement pour la production agricole mais aussi pour la durabilité de l'écosystème (la régulation des flux, habitat, …).  Il est ainsi important d'évaluer les impacts des activités sur la qualité du sol. Pour appliquer l’ACV à notre système, il faut prendre en compte des impacts des types de "Land use" dans notre territoire. Cependant, les aménagements de conservation des eaux et des sols (CES) ne sont pas pris en compte dans les méthodes actuelles en ACV. L’objectif principal de cette thèse est de fournir aux décideurs des connaissances sur les impacts environnementaux des ouvrages de CES à l’échelle d’un territoire. L’atteinte de ces objectifs pose trois questions de recherche :

  • Comment obtenir sur le territoire des données d’inventaire pour évaluer les impacts des activités agricoles ? Comment réaliser l’ACV d’un territoire avec une faible disponibilité de données?
  • Comment prendre en compte dans l’ACV les impacts des ouvrage CES sur la ressource "sol" ?
  • Comment intégrer les activités agricoles (y compris les pratiques) et CES dans une approche territoriale pour fournir des éléments de décision aux différents acteurs ?

Le terrain des pays du Sud pose une contrainte majeure pour une évaluation environnementale, c'est la disponibilité et la robustesse des données des pratiques et des systèmes agricoles et ainsi notre stratégie est de coupler l'approche de l'analyse de cycle de vie (ACV) avec une démarche participative dans l'amont du bassin versant de Merguellil en Tunisie centrale. Le couplage  entre ces deux approches consiste à intégrer les connaissances et la perception des acteurs locaux et à créer des connaissances sur les impacts environnementaux pour tous les acteurs de notre territoire (les décideurs, les agriculteurs,…) dans un contexte d'aide à la décision.

 

Mots clés : Analyse cycle de vie (ACV), Ressources "Eau & Sol", Evaluation environnementale

Photos : Zone de Haffouz, Amont Bassin versant Merguellil, Tunisie©Meriem Jouini

Entre agriculture irrigue et pluviale Amont du bassin versant de Mergullil Houssem BraikiLa Tunisie cherche à réorienter ses politiques d’aménagement et de conservation des eaux et des sols (ACES) afin qu’elles gagnent en efficacité, en s’appuyant sur des démarches participatives innovantes.  Cette réorientation passe par le renforcement du dialogue entre les principaux acteurs des espaces ruraux concernés, agriculteurs et administration. Cependant, cette orientation s’inscrit dans des contextes ruraux souvent peu documentés où la dimension environnementale nécessite d’être objectivée. En plus, l'intensification agricole d’une agriculture irriguée en Tunisie centrale, engendre des impacts environnementaux locaux et régionaux, liés à une consommation accrue en intrants et ressources, dont l’eau et le sol. En faveur d'une agriculture plus durable et pour éclairer les politiques publiques de développement agricole, il est nécessaire d’évaluer les impacts des pratiques agricoles et d’aménagement, et ceci à l’échelle d’un territoire. La question est ainsi de savoir comment mettre en œuvre une démarche d'évaluation environnementale dans un contexte 1) de rareté de données fiables y compris statistiques, et de complexité des pratiques agricoles, 2) de proéminence des questions socioéconomiques sur les préoccupations environnementales 3) de méconnaissance de la perception des acteurs locaux sur ces questions et donc de difficulté à identifier des indicateurs pertinents et mobilisables.

Nous proposons une démarche participative originale conçue pour permettre de produire de l’information de qualité en valorisant les savoirs locaux, de partager et prendre en compte les perceptions des différents acteurs, et enfin de construire des consensus pour contribuer à l’élaboration de politiques d’ACES plus efficaces. L’évaluation mobilise un double dispositif comprenant des observateurs extérieurs et une enquête de satisfaction auprès des participants. Elle s’appuie sur une grille d’évaluation de cette démarche, de ses produits et des effets induits à court terme. La structuration progressive et adaptative de la démarche, les choix des acteurs, des lieux de réalisation des ateliers et le recours à un animateur neutre ont été des facteurs très importants pour satisfaire aux critères d’évaluation de la démarche. Le partage et la prise en compte des informations et des données collectées mais aussi des expertises et perceptions des différents acteurs a permis de produire des informations jugées satisfaisantes ou très satisfaisantes par la totalité des participants. Cela a nourri les connaissances de tous les acteurs et contribué à une dynamique constructive d’apprentissage collectif. L’engagement et la mobilisation des acteurs, en particulier nationaux, dans cet espace opérationnel de concertation sur les enjeux territoriaux, les pratiques agricoles et les ACES ont montré une trajectoire d’ouverture vers la décentralisation du pouvoir politique.

 

Mots clefs : Approches participatives, aménagement de bassins versants, conservation des ressources naturelles, agriculture, évaluation

Photos : Entre agriculture irriguée et pluviale, Amont du bassin versant de Mergulil©Houssem Braiki

Claire DEDIEU a soutenu sa thèse de doctorat le 19 novembre 2019, à la faculté de droit et science politique de l'Université de Montpellier devant le jury composé de :

Sylvain BARONE, chargé de recherche Inrae, G-EAU (co-encadrant de thèse)
Anne-Cécile DOUILLET, professeure de science politique, Université de Lille (Rapporteure)
Claire DUPUY, professeure de politique comparée, Université catholique de Louvain (Examinatrice)
Christine MUSSELIN, directrice de recherche CNRS, CSO (Présidente du jury)
Emmanuel NÉGRIER, directeur de recherche CNRS, CEPEL (directeur de thèse)
François-Mathieu POUPEAU, chargé de recherche CNRS, LATTS (Rapporteur)

 

Résumé : Les ingénieurs et techniciens du ministère de l’Agriculture ont, pendant longtemps, façonné les politiques d’alimentation en eau potable et d’assainissement des communes et de leurs groupements. Ces fonctionnaires intervenaient dans le cadre de missions qualifiées « d’ingénierie publique ». En 2008, dans le contexte de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), cette mission a été supprimée. L’objet de la thèse est de comprendre ce qui se joue concrètement à travers cette réforme. S’appuyant sur une enquête menée dans les départements de l’Hérault, de Vaucluse et de la Lozère, ce travail analyse les recompositions de l’État qui font suite à la suppression de l’ingénierie publique, que ce soit en interne ou dans ses relations avec les acteurs de l’ingénierie privée et les collectivités territoriales. L’originalité de la thèse est de discuter les théories qui présentent les réformes de l’État comme un moyen pour celui-ci de se redéployer sans se retirer. À partir du cas de l’eau, elle encourage à penser les réformes contemporaines autrement, comme des moments où l’État est aussi parfois susceptible de se retirer. Elle montre les incohérences et les paradoxes auxquels donne lieu ce retrait de l’État. Elle propose enfin des outils d’analyse adaptés à cette approche alternative des transformations de l’action publique.

 

Mots-clés : État ; réforme ; retrait ; politiques de l’eau ; ingénierie publique ; France

 

Cette thèse propose une analyse ancrée des organisations et des relations sociales qui façonnent les usages de l'eau en Crau. L’approche inductive et multi-échelle a pour ambition de saisir l’ensemble des interactions entre acteurs humains et non-humains qui participent au gouvernement et aux pratiques de l’eau sur cet espace. La thèse s’inscrit dans les courants constructivistes en sciences humaines et sociales. Elle est à la fois historique et critique, dans le but de mettre en lumière la généalogie, mais également, le fonctionnement des dispositifs de gouvernement ainsi que les arrangements, contournements ou oppositions qu’ils suscitent. Le travail de terrain s’est focalisé sur les organismes de gestion et les controverses relatives à l’eau en Crau. L’objectif était d’identifier et d’étudier des réseaux d'acteurs afin d’explorer différentes facettes plus ou moins visibles de l’eau. Un travail sur archives historiques et contemporaines a permis de situer les continuités et les discontinuités des formes de gouvernement de l'eau. Une enquête par entretiens et observation de réunions professionnelles ou publiques a nourri la réflexion sur les jeux d’acteurs actuels.

 

La recherche met en lumière un réseau hétérogène d’êtres et d’objets qui interagissent pour construire une multiplicité d’eaux. L’eau passe par la vanne, est « mise » par l’irriguant, est « vissée » par le garde canal, pompée dans la nappe, alimente des zones humides remarquables et vulnérables ou encore est mesurée par les instruments de l’ingénieur. Ces acteurs redéfinissent sa nature, sa forme, ou encore ses usages légitimes. La thèse permet non seulement de situer les discours tels que l’« eau-ressource », ou la « gestion intégrée de l’eau », mais encore de suivre les transformations qu’ils induisent. En effet, cette recherche ne porte pas seulement sur les constructions matérielles, symboliques ou encore normatives qui sous-tendent ou territorialisent les discours gestionnaires. Elle donne également à voir les arrangements, les adaptations et les résistances qu’ils produisent en retour, chez les gestionnaires et au-delà chez l’ensemble des acteurs de l’eau en Crau. C’est dans cette tension entre les façons de gouverner et les façons de faire que se situe le cœur et l’apport empirique de la thèse.

 

La Crau a fait l’objet de nombreux aménagements hydrauliques qui l’on profondément reconfigurée. Ils ont établi une frontière entre Crau sèche « originelle » et Crau humide « productive ». L’irrigation gravitaire de prairies (environ 12 000 hectares) par submersion permet la production de foin de Crau (foin de qualité bénéficiant d’une AOP). Cette production dépend d’un réseau hydraulique dérivant historiquement l’eau de la Durance, désormais alimenté par les aménagements hydrauliques d’EDF en Durance. La nappe de Crau est alimentée à plus de 70% par les infiltrations dues à ces pratiques hydrauliques. Depuis les années 1970, le développement industriel, l’agriculture intensive et l'urbanisation de la Crau ont conduit à une exploitation croissante de cette nappe. Elle approvisionne actuellement 270 000 habitants et est considérée comme vulnérable, notamment du fait de son alimentation dépendante de la production de foin. Elle fait d’ailleurs l'objet d'une gestion « institutionnalisée » destinée à sécuriser la ressource. Etudier l’eau en Crau permet d’offrir un double apport à la géographie humaine. D’une part, cela permet une analyse spatialisée et multi-scalaire des relations à l’eau. D’autre part, cela nourrit une lecture critique de la construction des savoirs (cartes, milieux, terroirs, territoires) et de leurs rôles dans le gouvernement de l’eau.

 

La modernisation, processus ayant pour objectif de faire advenir une forme de modernité, est au cœur de la première partie de la thèse. La « modernité » s’entend ici  comme un idéal émancipatoire fondé sur une augmentation de l’objectivité, de l’efficacité, de la rentabilité et de la formalisation (Latour, 2004). La première partie explore la construction de trois vagues de modernisation des eaux en Crau ainsi que les controverses produites par le déploiement des dispositifs qui les accompagnent. Elle donne une perspective historique des changements de la modernité depuis les années 1790 au niveau national et régional à partir du cas de la plaine de la Crau. Avec la Révolution Française, la première vague de modernisation vise à conquérir et mettre en valeur le territoire. Dans les années 1950, la deuxième vague est fondée sur la reconstruction de la France. Depuis les années 1990, une troisième vague déploie une vision sécuritaire de la gestion de l’eau. L’étude de la mise en œuvre de dispositifs typiques de chaque modernisation permet d’expliciter la doctrine, de souligner les non-dits de la modernité, et de comprendre les écueils rencontrés. Ces grandes volontés réformatrices et les transformations matérielles qu’elles produisent sont au cœur des récits actuels de nombreux acteurs impliqués dans la gestion des eaux. Cette partie permet ainsi de situer la mobilisation des savoirs historiques et contemporains et des mémoires locales dans le gouvernement et les pratiques des eaux. Elle met également en lumière les instruments mobilisés - des outils cartographiques aux métrologies - et les reconfigurations d'acteurs qui participent ou s'opposent à ces modernisations. Nous offrons ainsi un éclairage inédit de ces transformations. Elle associe l’analyse fine des constructions politiques des modernités, des dispositifs et des processus d'inclusion ou d'exclusion vécus par les habitants de la Crau.

 

La deuxième partie de la thèse est centrée sur les pratiques actuelles de gouvernement notamment de gestion qui découlent de certains dispositifs identifiés dans la partie précédente. L'étude des structures de pouvoir, des conventions ainsi que des arrangements permet l'identification et l’analyse des façons dont les politiques de l’eau sont territorialisées. Elle permet aussi d’explorer comment les acteurs les contournent ou les détournent. L'analyse ne se limite pas aux normes, aux stratégies formelles et informelles et aux structures mais inclue également les processus de marginalisation et de disqualification pour situer la gestion entre sécurité et discipline. Cette partie étudie des processus de crise. Ils permettent de révéler les stratégies de mobilisation et d’alignement des acteurs dans les dispositifs de gestion. L’étude du fonctionnement par projet permet d’analyser les dynamiques de territorialisation des politiques de gestion. Il conduit, sous un discours dominant d’adaptabilité, de flexibilité et d’efficacité économique, à la précarisation des acteurs devant mettre en œuvre de la gestion. Ceux-ci doivent à la fois faire preuve d’une autonomie accrue et en même temps sont fortement contraints par les financeurs et les discours hégémoniques de « bonne gestion». De plus, la crise et le projet transforme la définition et la matérialité de l’eau. L’eau s’inscrit alors dans une gestion événementielle à court terme d’une ressource à préserver. Celle-ci s’impose progressivement aux acteurs historiques et aux usagers qui doivent faire avec cette eau.

De tout temps, le Sahara a subi de profondes transformations notamment dans le secteur agricole. C’est en particulier vrai dans la région d’El Ghrouss dans les Ziban qui, depuis les années 1980, a connu une accélération des mutations agricoles entrainant de fortes dynamiques d’expansion territoriale. Un véritable front pionnier caractérise cette région sous l’effet du développement de la production maraîchère sous serre irriguée depuis les ressources souterraines formant un « territoire de l’eau » en expansion. L’objectif de cette thèse est d’identifier et de comprendre l’ensemble des déterminants de cette néo-agriculture saharienne irriguée en transition, expliquant les déterminants de son extension territoriale et conduisant à sa pérennisation.

La thèse s’articule ainsi autour de la triple relation entre les acteurs, la ressource en eau et l’espace. Dans un premier temps, nous caractérisons les dynamiques transitoires portées par des arrangements entre différents acteurs qui mettent en commun leurs facteurs de production. Dans un second temps, nous interrogeons l’évolution des usages de l’eau souterraine en fonction des mutations observés et de l’expansion territoriale. Enfin, nous analysons les différents facteurs qui favorisent la quête de nouvelles terres à savoir, l’eau, le foncier mais aussi les infrastructures telles que les routes pour la commercialisation et le réseau électrique pour l’alimentation des forages.

Nos résultats montrent d’abord que le boom agricole est porté par deux principales logiques d’acteurs, ayants deux ambitions distinctes : celles des propriétaires visant à investir dans la phœniciculture, et celles de locataires maraîchers associés à des métayers visant une ascension socio-professionnelle. Nous montrons que les arrangements entre acteurs autour d’une agriculture transitoire sont les moteurs de l’expansion territoriale et de l’ascension socio-professionnelle des agriculteurs. Ensuite, nous montrons, à travers une construction méthodologique pour l'évaluation des prélèvements d'eau souterraine, l’importance de comprendre les pratiques et usages de l’eau pour évaluer les besoins en eau d’un territoire. L’analyse des forages a permis de rendre visible l’eau souterraine à travers la mise en réseau par l’électricité, les réseaux d’acteurs et institutionnels. Et enfin, l’analyse de l’avancée d’une « frange pionnière », concept mobilisé en lieu et place du front pionnier, a montré qu’elle résultait de l’imbrication des trois principaux axes à savoir le foncier, l’eau et les infrastructures et que chacun de ces axes conjugue à la fois l’action de l’État et l’initiative privée. Pour conclure, nous posons la question de la durabilité de cette agriculture en pleine expansion dans un contexte de ressources fragiles qui manifeste déjà des signes d'essoufflement, de faible régulation économique de la production maraîchère et de vulnérabilité sociale.

 

Mots clefs :  Eaux souterraines, agriculture irriguée, transformation, adaptation

Mare permanente de Tombo, ©Photo : S. Bachir, IRD

 

Dans le S.O du Niger, à proximité de Niamey, un suivi hydrologique détaillé a été conduit au cours des 25 dernières années sur 10 000 km2 par les programmes de recherche internationaux HAPEX Sahel et AMMA. Cette observation de terrain à long terme a conduit à de nombreux résultats scientifiques majeurs. Parmi eux, le plus original et spectaculaire est la remontée continue de la nappe phréatique en dépit des grandes sécheresses des années 1970 et 1980 (~4 m en 40 ans). Cette hausse est liée au déboisement des savanes naturelles qui a provoqué un afflux d’eau de ruissellement supplémentaire vers les mares temporaires occupant les bas-fonds, considérées comme les principales zones de recharge de l’aquifère. Un suivi fin hydrodynamique, géochimique et isotopique (18O, 2H) ainsi que des campagnes de nivellement et de photographie aérienne ont été conduits entre 2013 et 2016, en complément des mesures antérieures.

 

Notre étude se focalise sur une sous-partie de 900 m2, dans le S.E du site à long-terme, où la hausse généralisée des réserves souterraines induit même l’apparition de nouvelles mares permanentes sur au moins 50 ha dans les zones les plus basses. Ces nouvelles mares correspondent à l’affleurement de la nappe alors que les mares temporaires "habituelles" résultent uniquement des dynamiques de surface. Le nombre et la superficie de ces mares d'affleurement de nappe ont augmenté depuis une vingtaine d’années, ainsi que les surfaces irriguées autour d'elles pendant la saison sèche. L’évaporation dans les mares augmente considérablement leur conductivité électrique (CE supérieures à 1000 µS.cm-1) tandis que la minéralisation naturelle des eaux souterraines reste très basse (CE entre 20 et 100 µS.cm-1). Cette différence de salinité est confirmée par le suivi isotopique (18O, 2H) qui a également montré que les eaux superficielles connaissent une évaporation significative (teneurs en O-18 supérieures à +7 ‰). La reprise évaporatoire directe à partir de la nappe phréatique est aussi sensible à l’échelle locale des mares où celle-ci est proche de la surface. L’utilisation conjointe d'eau de surface et d’eau souterraine pour l’irrigation peut éviter la salinisation des sols et contribuer également à atténuer les impacts de l’irrégularité des précipitations sur l’agriculture.

 

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