Le séminaire ICIREWARD Unesco-SHS du mercredi 13 décembre  sur le thème : "Pollutions agricoles des eaux littorales : les savoirs en action" a permis d’écouter les travaux de Alix Levain et Magalie Bourblanc, discutés par Christelle Gramaglia (sociologue à l’UMR GEAU).

 

  • Alix Levain est anthropologue (CNRS, UMR 6308 AMURE).

Elle présentera « Au-delà du déni : les agriculteurs bretons et l’imputation des causes des marées vertes en Bretagne »

Bien peu de territoires échappent aujourd’hui en Europe aux pollutions agricoles diffuses, et à la polarisation très forte du débat public entre des positions critiques des systèmes de production qui les génèrent d’une part, et ce qui est souvent qualifié de « déni » des agriculteurs d’autre part. Comment aller plus loin dans la compréhension de ce qui se joue autour de ces pollutions pour les agricultrices et agriculteurs ? Comment comprendre la façon dont s’articulent leur expérience quotidienne des effets de ces pollutions et le sens qu’elles et ils leur donnent ? A partir d’une enquête au long cours dans trois territoires ruraux et littoraux touchés par les marées vertes en Bretagne, Alix Levain proposera d’historiciser cette expérience et de relire le « déni » des agriculteurs à l’aune de la théorie de la dissonance cognitive : les processus de réduction de la dissonance cognitive qui sous-tendent le rejet du lien entre pratiques agricoles et pollutions aquatiques constituent en effet un outil puissant de repérage et de description des tensions cognitives au sein des sociétés post-rurales. En ce sens, ils rendent possible une forme alternative d’appréhension des situations de controverse environnementale prenant en compte la complexité de l’expérience de l’écologisation.

 

  • Magalie Bourblanc est politiste (CIRAD, UMR G-EAU).

Elle présentera : « Mise en problème et mise en cause : Le rôle de l'expertise scientifique dans la mise à l'agenda politique des pollutions agricoles sur une lagune du littoral méditerranéen »

L’état écologique de l’étang de l’Or (Occitanie) est réputé être particulièrement dégradé depuis les années 1990. En dépit de l’existence de programmes d’action réglementaires ou volontaires depuis les années 2000, la reconquête de la qualité des eaux n’a pas permis d’obtenir, jusqu’à présent, de résultats probants, ce qui contraste assez fortement avec la success story de la lagune voisine de l’étang de Thau. Dans ce contexte, Magalie Bourblanc évoquera la manière dont le déploiement de savoirs experts contribue à la fois à la mise à l’agenda des pollutions agricoles et au traitement renouvelé de ces questions, notamment en permettant de dépasser, en partie, leur caractère diffus.

Vendredi 1er décembre 2023 à 11h00, Mahmoud MAAMR, doctorant en sociologie à l’université Moulay Ismaïl de Meknès (Maroc) a présenté ses travaux de thèse intitulés "Rapports de générations à la lumière des dynamiques agricoles et sociales dans les extensions agricoles des oasis ; Cas de l’oasis de Ferkla (Maroc)"

La thèse est effectuée sous la Direction de Zhour Bouzidi (UMI), Marcel Kuper (Cirad) et Pierre-Louis Mayaux (Cirad).

maamr © Photo : Mahmoud MAAMR 

Résumé :

Dès le début des années 1970, de nouvelles extensions agricoles commencent à émerger en lisère des anciens périmètres oasiens de Ferkla. De nombreux profils d’agriculteurs se sont venus s’installer en capitalisant sur un accès déverrouillé à l’eau souterraine, l’argent issu de la migration internationale favorisée durant les années 1960-70, ainsi que l’accès aux terres collectives partagées. Au cours des années, les conditions d’accès à l’installation dans ces extensions changent significativement. Les politiques migratoires sont devenues restrictives dès la fin des années 1990, l’eau souterraine s’est avérée de plus en plus rare, ainsi que l’accès à la terre n’est plus facilement ouvert en raison des prix et des restructurations de marché foncier. Paradoxalement, certaines opportunités sont offertes, particulièrement les généreuses subventions de l’Etat, l’encouragement des jeunes à s’organiser dans les coopératives de prestations de services agricoles ainsi que d’autres opportunités liées à l’évolution des nouvelles technologies de mobiliser les ressources et de commercialisation. 

Face à ce contexte paradoxal, les jeunes cherchent à contourner les contraintes pour saisir des opportunités. De ce fait, ils tendent plutôt à s’installer sur les exploitations déjà établies comme un fondement et chercher leur part des opportunités. Cela les amène à se cohabiter avec leurs aînés qui sont déjà installés dans les extensions. Au cours de cette installation conjointe, un processus de négociation des rapports entre les deux générations, jeunes et vielle, se met en place. En effet, mon projet de thèse s’intéresse à élucider le fonctionnement de ce processus ; les acteurs directs et indirects qui y sont impliqués, les moyens mobilisés pour la négociation ainsi que ses débouchés sur ces rapports eux-mêmes et sur l’agriculture oasienne. 

Contexte :

Une première expérimentation d’enquête collective sur les rives de l’étang de Berre, emmenée en 2019 par le Bureau des guides, a permis l’émergence d’un groupement de partenaires mobilisés autour de l’observation de la lagune (Bureau des Guides, Université de Nîmes, INRAE de Montpellier et Institut écocitoyen de Fos). Ensemble, ils conduisent aujourd’hui une recherche action participative- artistique et scientifique - sur les déchets plastiques.

Le projet Laboratoire Plastique de Pamparigouste articule une étude chimique des transferts, échanges et déplacements des plastiques dans l’étang de Berre ; une expérience artistique pour compléter nos connaissances du milieu lagunaire par l'expérience sensible et l’imaginaire ; une enquête sociologique destinée à mieux comprendre les attachements locaux aux plastiques et les tentatives de s’en défaire grâce notamment à des démarches de science-action participative. 

Il s’agit tout autant de produire des connaissances sur le problème de la dissémination des plastiques que de réfléchir collectivement aux moyens à mettre en œuvre pour créer les conditions d’une recherche transdisciplinaire sobre.

https://bureaudesguides-gr2013.fr/laboratoire-plastique/

Objectif du stage : contribution aux enquêtes sociologiques

 

Description du stage :

  • Enquête sociologique qualitative auprès d’acteurs locaux engagés sur la question des pollutions de l’étang de Berre dont celle générée par les plastiques. Une dizaine d’entretiens seront menés sous la supervision des encadrants du stagiaire lesquels viseront principalement des acteurs associatifs engagés dont des membres des clubs de voile volontaires associés au Laboratoire Plastique de Pamparigouste.
  • Observation participative au sein d’une association engagée dans des actions de « dépollution » permettant de caractériser la manière dont les bénévoles s’approprient les enjeux et les communiquent.
  • Participation aux activités collectives du Laboratoire Plastique dont les séances de travail collectives et aide à l’organisation des conférences marchées scientifiques et artistiques publiques du Bureau de Guides.

Attendus : rédaction d’un mémoire de Master qui viendra alimenter la réflexion collective. La problématique sera affinée avec les encadrants au cours de l’enquête (sur la base d’une revue de littérature et des premiers résultats).

 

Profil recherché :

  • Niveau Master 1 ou préférablement 2 en Sciences Humaines et Sociales (sociologie et anthropologie ou géographie).
  • Compétences : Formation à l’enquête qualitative en sociologie validée par une première expérience sur le terrain (acquise en formation) incluant la transcription, le codage et l’analyse d’entretiens.
  • Connaissances : familiarité avec les questions d’environnement et/ou les sciences participatives et citoyennes.
  • Intérêt pour l’interdisciplinarité : le stagiaire doit démontrer un intérêt marqué pour les échanges interdisciplinaires (et éventuellement une curiosité par la collaboration avec des artistes).
  • Autres : aptitude à travailler en équipe mais aussi en autonomie, goût pour la lecture (Français et Anglais) et la réflexion, mais également travail en plein air.

Le candidat devra impérativement être détenteur d’un permis de conduite B (véhicule de service disponible pour les sorties terrain).

Les frais d’enquête seront pris en charge.

Dédommagement d’environ 550 euros mensuels (contractuel).

Accueil dans un bureau de l’INRAE de Montpellier (UMR G-EAU) équipé avec des outils de bureautiques et accès à la cantine du personnel. Frais de transports locaux gratuits.

Durée : 5 ou 6 mois à compter de mars 2024.

 

Pour toute question ou candidature, merci de contacter Christelle Gramaglia (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.). Les dossiers (CV et lettre de motivation sont attendus le 27 novembre 2023).

Ce vendredi 17 novembre à 11h, Leo Bire nous a présenté son projet de thèse intitulé « Participation, Simulation, Pouvoir. Comprendre les modalités de circulation du pouvoir à l'oeuvre dans les systèmes d'irrigation au Vietnam ».

Leo débutera sa thèse en sciences sociales/géographie sociale (avec des méthodes interdisciplinaires géographie, anthropologie du développement, sciences de l’informatique) le 1er décembre 2023, sous la direction de Jean-Philippe Venot. Il sera principalement basé au Vietnam à l'université de l'irrigation dans le LMI ACROSS (Advanced Comptuational Research On Sustainability Sciences).

 

bire vietnam web © Photo : Léo Biré

 

 

Résumé : Ce projet de recherche s’intéresse aux systèmes d'irrigation vietnamiens au prisme du « cycle hydro-social » (Budds et al., 2014), c’est-à-dire à travers la manière dont les relations de pouvoir guident les modalités de gouvernance de ces systèmes et la façon dont le pouvoir émerge et circule au sein des catégories d’acteurs qui les composent. Il aborde le thème du pouvoir à travers la gestion participative de la ressource en eau, obligatoire au Vietnam depuis 2004, qui connaît des applications contrastées dans le pays. Ce projet de recherche postule que l’utilisation de jeux sérieux informatisés auprès des acteurs de cette gestion (gestionnaires et irrigants) aiderait à engager le dialogue sur la gestion participative de l’eau, et permettrait la création d'événements propices à l’expression de processus de négociation, autrement difficilement accessibles. La thèse explore donc l’usage des simulations participatives en se situant à l’interface de plusieurs champs de la géographie environnementale, notamment la political ecology, les Socio-Technical System Theories, et certaines logiques propres à l’approche critique de la modélisation d’accompagnement.

 

Contexte et objectifs

En Occitanie, l’eau est une ressource critique pour l’agriculture. Le changement climatique renforce cet état de fait. En permettant de réduire le stress hydrique des cultures, l’irrigation fait partie des moyens d’adaptation possibles et peut constituer un levier important de transition agroécologique. Au sein d’exploitations déjà engagées en agroécologie et irriguées, une meilleure connaissance de la gestion de l’eau et de l’irrigation à l’échelle de l’exploitaiton est nécessaire. Le projet TAI-OC vise à caractériser les systèmes agroécologiques irrigués d’Occitanie, à comprendre les facteurs de la transition agroécologique et à accompagner cette transition.

Le stagiaire aura pour objectif de réaliser un suivi d’irrigation et de variables agronomiques dans des exploitations agroécologiques en Occitanie.

Ce travail permettra, dans le cadre du projet TAI-OC, de réaliser un premier suivi d’irrigation grâce à des capteurs low-techs, d’estimer les potentiels d’amélioration de l’irrigation chez ces agriculteurs afin d’installer un suivi en 2025 chez un plus grand nombre d’agriculteurs. Un deuxième volet du projet s’appuiera sur ces données collectées pour faire des simulations prospectives à l'échelle territoriale.

 

Mots clés : irrigation, low-tech, capteurs, mesures de fiabilité

 

Stage #DigitAg : Ce stage est financé par #DigitAg. Il s'inscrit dans deux axes de #DigitAg : "Capteurs, acquisition et gestion des données" et "Innovations en agriculture numérique". L’étudiant participera à la #DigitAgora, la réunion annuelle de la communauté #DigitAg, qui se déroulera au printemps 2024, ainsi qu’aux activités #DigitAg (ateliers de sensibilisation, journées).

 

Profil recherché (F/H) : Bonnes compétences en agronomie/gestion de l’eau agricole et/ou compétences concernant les nouvelles technologies et l’agriculture de précision. Autonome, ingénieux et bricoleur. Ayant envie de passer une part importante de son temps au champ et à réaliser des entretiens. Permis B obligatoire. Ce stage constituera un tremplin pour les étudiants désirant poursuive dans le secteur de la recherche (doctorat, ingénieur de recherche publique, R&D entreprise) ou de l’ingénierie agronomique et environnementale (bureaux d’études agro-développement, technologie pour l’environnement).

 

Encadrement, lieu d’accueil et conditions matérielles : Ce travail est mené par une équipe de G-eau (C. Leauthaud, D. Leenhardt) spécialisée sur la gestion des ressources en eau, en lien étroit avec des collègues d’autres projets et unités de recherche qui développent les aspects techniques et informatiques liés aux capteurs. L’étudiant travaillera en lien étroit avec notre chargé de projet qui pilotera le suivi expérimental, mais aussi avec une équipe de chercheurs qui apporteront leurs compétences aux moments clés du suivi (plan expérimental, installation, high low-techs, analyse)

 

Durée du stage : 6 mois

Date indicative de début de stage : Février/Mars/Avril 2024

Gratification : selon la grille de #DigitAg

Lieu de stage : UMR G-eau (Site Hydropolis-Lavalette), Montpellier, France

 

Informations et modalités de candidature : Envoyer CV et lettre de motivation, avant le 30 novembre 2023 à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

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Contexte et objectifs

La gestion de l’eau par l’irrigation et les pratiques agroécologiques sont rarement pensées de manière conjointe. Le projet IrrigSUST vise à analyser les liens existants entre l'agroécologie et l'irrigation, en s'interrogeant sur le rôle de l'irrigation dans la transition agroécologique de l'agriculture et des systèmes alimentaires. Il s'agit d'un défi scientifique majeur pour évaluer l'impact des transitions agroécologiques des systèmes alimentaires sur les ressources en eau tout en s'adaptant au changement climatique.

Ce stage aura pour objectif principal de décrire les usages de l’eau dans le ZBNF et de comprendre quel est le rôle de l’irrigation dans ces systèmes. Cela se fera par deux sous-objectifs :- Caractériser l’irrigation (cultures, saisons, pilotage, règles de décision) chez un paneld’agriculteurs faisant du natural farming, et réaliser une estimation de la consommation en eauà l’échelle de l’exploitation. Ce travail se fera par enquête auprès d’exploitants agricoles.- Analyser ces résultats au regard des discours et documents de présentation du ZBNF pourmettre en lumière les cohérences et incohérences entre les pratiques réelles des agriculteurs etle regard porté sur ces systèmes par les gestionnaires et chercheurs. Ce travail se fera en lienétroit avec un post-doctorant qui réalisera une analyse de la littérature grise et scientifique.

 

Profil recherché (F/H) :

Étudiant ingénieur agronome avec de bonnes connaissances en agronomie système et gestion de l’eau et compétences en communication . Autonome et ingénieux. Permis B obligatoire

 

Encadrement, lieu d’accueil et conditions matérielles : L’étudiant sera encadré en Inde par L. Ruiz (sur place) et K. Akakpo (une à deux missions prévues pour assister au travail de terrain). L’étudiant sera aussi en lien avec D. Perez, un post-doctorant basé à Montpellier qui assurera le bon déroulement du stage et la mise en cohérence avec les autres activités du projet. C. Leauthaud et D. Leenhardt, coordinatrices du projet, participeront également aux étapes clés et prises de décision majeures concernant les orientations et le déroulement du stage.

 

Durée du stage : 6 mois

 

Date indicative de début de stage :

- Pour un stage M2 : à partir de mai 2024

- Pour une césure : à partir de juillet 2024

 

Gratification : selon la grille du Cirad

 

Lieu de stage : Cellule franco-indienne de recherche en science de l'eau, Bangalore, Inde et longs séjours (chez l’habitant) dans l’état de l’Andra Pradesh pour les phases de terrain (4 mois). Possiblement basé à Montpellier au début et à la fin du stage pour l’analyse bibliographique (2 semaines) et l’écriture du rapport (6 semaines).

 

Informations et modalités de candidature : Envoyer CV et lettre de motivation, avant le 30 novembre 2023 à : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

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Vendredi 08 décembre 2023 à 11h00, Claire Micklethwaite nous a présenté ses travaux intitulés "Qualité et gestion des données : mise en place d’un plan de gestion de données pour la plateforme PRESTI : comment avons-nous réussi à mettre en place des bonnes pratiques concernant la production de données et archiver celles produites précédemment"

 

schema Résumé : La plateforme de PRESTI a récemment été reconnue en tant qu’infrastructure expérimentale et dans ce cadre-là, elle doit commencer à se conformer aux exigences INRAE concernant la sauvegarde des données : que ce soit dans l’archivage mais surtout dans l’enregistrement des données produites récemment. L’objectif, bien qu’il s’agit de valider le statut de IE pour PRESTI, est d’également limiter la perte de données (suite au départ de stagiaires ou de CDD par exemple) et de faciliter la réutilisation de ces dernières.

Mon travail a consisté à faire un inventaire des données existantes, d’amorcer un travail d’archivage et de mettre en place des normes de production et d’enregistrement des données. Toutes ces actions ont été rendues complexes par la grande hétérogénéité des données et le fait que je n’avais pas manipulé une grande partie des données produites (notamment celles des thèses).

En commençant par faire un point sur les exigences d’INRAE par rapport aux objectifs nationaux de science ouverte je parlerai ensuite de ce que j’ai mis en place pour PRESTI :  de la normalisation de la nomenclature, à la création de fichier type and passant par la rédaction des métadonnées, rédaction du plan de gestion de données (PGD)…

La gestion qualitative des données va au-delà des principes de la science ouverte et devient un gage de qualité pour toute plateforme de recherche. J’espère que mon travail pourra aider d’autres plateformes à mettre en place des bonnes pratiques concernant la production des données de recherche… 

Sylvain Barone a soutenu, le 02 octobre 2023, son habilitation à diriger des recherches en science politique intitulée « Un verdissement conservateur. L’Etat, la gestion de l’eau et la régulation des rapports entre politiques publiques ».

Composition du jury :

M. Philippe Bezes, directeur de recherche CNRS, CEE, Sciences Po Paris

Mme Cécile Blatrix, professeure de science politique, AgroParisTech, UMR Printemps (rapportrice)

M. Olivier Borraz, directeur de recherche CNRS, CSO, Science Po Paris (garant et rapporteur)

Mme Gabrielle Bouleau, ingénieure en chef des Ponts, des Eaux et des Forêts, chercheuse HDR à l’INRAE, LISIS

Mme Anne-Cécile Douillet, professeure de science politique, Université de Lille, CERAPS (rapportrice)

M. Andy Smith, directeur de recherche FNSP, CED, Sciences Po Bordeaux 

 

Résumé :

Les politiques environnementales se sont déployées, pour l’essentiel à partir du dernier quart du XXème siècle, dans un vaste complexe d’organisations, de normes et d’interventions étatiques préexistantes au sein desquelles elles ont dû trouver leur place et qui a contribué à les structurer. Ces interventions s’étaient plutôt développées, parfois depuis plusieurs siècles, autour de la maîtrise de la nature, de la défense et de l’aménagement du territoire, du développement économique et industriel. L’atteinte d’objectifs écologiques passe aujourd’hui bien souvent par leur prise en compte par d’autres politiques publiques : agricoles, industrielles, énergétiques, judiciaires, d’aménagement du territoire, de transport, etc. Les rapports entre ces différentes interventions et l’action publique environnementale, leur articulation, leur hiérarchisation, leur ignorance mutuelle, relèvent en grande partie de l’Etat.

Il existe beaucoup de travaux sur ces interactions entre politiques et leurs effets sur le traitement des enjeux écologiques. Ceux-ci comportent toutefois souvent un biais fonctionnaliste et/ou normatif. Ils s’intéressent notamment aux obstacles existants et aux conditions favorables à l’intégration des politiques publiques au bénéfice de l’environnement, aux policy mixes permettant d’atteindre des objectifs de coordination, de cohérence et in fine de meilleurs résultats environnementaux. Nous proposons de faire un pas de côté par rapport à l’étude de ces processus intentionnels pour nous focaliser sur les ressorts et les effets, notamment institutionnels et politiques, de la régulation effective des rapports entre politiques publiques.

La démarche proposée consiste à s’extraire de l’attention portée aux seules politiques environnementales pour embrasser un spectre beaucoup plus large. Notre argument est qu’une approche attentive à la régulation des rapports entre différentes politiques publiques permet d’éclairer sous un autre jour les difficultés structurelles de l’action publique environnementale. Dans cette optique, cette dernière ne rencontre pas simplement des difficultés à trouver sa place dans un ensemble dense et en perpétuelle expansion de politiques, d’organisations, de normes. Une telle approche systémique s’intéresse également aux effets de l’accumulation et de la juxtaposition de différentes politiques publiques sur le traitement des enjeux écologiques, et à la manière dont l’Etat intervient, le cas échéant, pour gérer ces effets. Elle invite ainsi à décrypter la façon dont le traitement des questions écologiques est formaté par des institutions, des stratégies, des logiques professionnelles, etc., qui sous-tendent des politiques publiques situées en dehors du champ de l’environnement. Deux grandes questions transversales animent la réflexion : qu’est-ce que cette régulation fait à, et dit de, la structuration du pouvoir dans notre société ? Que nous apprend-t-elle sur le fonctionnement de l’Etat ?

Pour tester l’intérêt de cette approche, nous nous intéressons à un type d’enjeu écologique en particulier : la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques. La gestion de l’eau est modelée par des compromis avec les groupes sociaux et les acteurs sectoriels les plus directement concernés par cette gestion. Dans ce domaine, le processus d’écologisation s’est accompagné de la production et de la diffusion d’un discours sur la « gestion intégrée » (l’intégration renvoyant notamment ici aux rapports entre différentes politiques publiques), qui n’a pas été sans effets concrets. Cependant, l’écologisation ne semble possible ou tolérée que dans la mesure où ces compromis peuvent se maintenir. Ces derniers sont parfois interrogés ou mis à l’épreuve. Mais ils se trouvent en fin de compte périodiquement actualisés dans et par l’action publique. La structuration des intérêts sociaux et des rapports de pouvoir autour de ces enjeux demeure globalement stable sur la durée.

Ces caractéristiques nous renseignent sur un fonctionnement global de l’Etat, marqué par des formes de conservatisme –  dans le sens de la préservation de l’ordre social, économique et politique établi. Or, l’Etat se trouve aujourd’hui directement interpellé sur son rôle fondamental et sa capacité à protéger et adapter la société face à des enjeux écologiques et climatiques totalement inédits. Dans ces conditions, la question se pose de savoir combien de temps ces compromis et ces modes de régulation entre politiques publiques pourront se maintenir – au-delà des ajustements marginaux et du recours de plus en plus fréquent à des expédients pour gérer ces évolutions et les situations de « crise ».

Le manuscrit est organisé en quatre chapitres. Le premier chapitre présente le cadrage problématique, théorique et empirique de notre réflexion. Une revue critique de la littérature sur l’Etat, l’action publique et l’environnement est proposée afin d’argumenter sur l’originalité du questionnement. Ce chapitre précise également l’approche conceptuelle retenue (une approche institutionnelle et politique) et le matériau empirique mobilisé, constitué au fil d’une série d’enquêtes sur la gestion de l’eau. Les trois chapitres suivants présentent des résultats de recherche en proposant des pistes d’analyse à partir du cas de la gestion écologique de l’eau en France. Le deuxième chapitre est ainsi consacré à une histoire des politiques de l’eau et à la manière dont les rapports entre politiques publiques ont été normés, autour de la gestion de l’eau, par un principe d’intégration, dont l’application est caractérisée par une ambiguïté fondamentale (concilier tous les usages et protéger les milieux). Nous en analysons les usages pluriels (professionnels, territoriaux, politiques) et la propension à institutionnaliser une « écologie du compromis ». Les troisième et quatrième chapitres s’intéressent aux tensions plus ou moins vives, qui continuent évidemment d’exister en pratique, entre politiques publiques, et à leur régulation concrète.

Le chapitre 3 place ainsi la focale sur les tensions impliquant les grandes politiques d’usage de l’eau (politiques agricoles, industrielles, d’aménagement du territoire). Les travaux abordant la gestion de l’eau par le prisme des rapports entre politiques publiques restent le plus souvent cantonnés à ces domaines de proximité immédiate. Ce faisant, ils cultivent une certaine myopie à l’égard d’autres politiques, en particulier régaliennes et constitutives. La faible prise en compte de ces politiques contribue à la minimisation et à la déformation du rôle de l’Etat. Il est pourtant évident que les choix en matière de budget, d’organisation administrative, de décentralisation, de contrôle des comportements, de sanction pénale, ne peuvent rester sans effet sur le traitement des enjeux liés à l’eau, ce que montre le chapitre 4. A l’issue de ces deux chapitres, plusieurs modes de régulation des rapports entre politiques sont mis en évidence : intégration soft, face-à-face conflictuel, intégration inversée (au détriment des écosystèmes), contournement discret et verdissement conservateur, qui confère un surcroît de légitimité à certaines postures, orientations ou mesure, sans avoir à modifier les arrangements déjà en place, ni à payer le prix politique d’une véritable écologisation.

La conclusion revient sur les principaux enseignements empiriques et théoriques de ces développements concernant d’une part la gestion de l’eau, prise dans la « colle » des compromis multi-sectoriels, et d’autre part la sociologie de l’Etat face aux bouleversements écologiques et climatiques.

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